Marcher dans le désert de Platé, c’est remonter le temps et admirer la mise en scène grandiose de Dame Nature où chaque pierre révèle un pan de l’histoire de notre terre.

Notre balade commence au Praz Coutant, au-dessus du Plateau d’Assy et avant Plaine Joux. L’objectif de la randonnée, le désert de Platé, se cache en coulisse… Il attend le moment propice, derrière une barre rocheuse, pour faire son apparition. Nous contournons d’abord une digue qui a été érigée en 1970 suite à une coulée de boue qui coûta la vie à 71 personnes. Le sentier s’enfonce ensuite dans la forêt en se rapprochant d’un torrent, l’Ugine. La végétation s’éclaircit en même temps que la pente s’intensifie. C’est en nage que nous atteignons le centre du cirque de Charbonnière. En me retournant, je remarque qu’une mer de nuage a recouvert toute la vallée.

Une dernière forteresse calcaire se dresse avant le désert de Platé. La forêt clairsemée laisse place à quelques aulnes accrochés au pied de cônes d’éboulis. L’érosion a dessiné des arches et des tours cernées par de grandes murailles dans lesquelles nous nous frayons un chemin. En arrivant au pied des falaises, nous grimpons d’abord des gradins, puis un talus de débris, avant de nous enfoncer dans la cheminée des Egratz (qui signifie « escaliers »). Le sentier a été tracé dans une faille éponyme. Il débouche sur une passerelle, récente, qui facilite le passage vers le désert de Platé.

Ces roches issues du fond de l’océan Téthys se sont élevées lors de la formation des Alpes

combe de Platé

Enfin, le désert de Platé ! Ce trésor géologique inaccessible nous dévoile enfin ses secrets. Le relief s’adoucit. Un large plateau encadré par de verts pâturages révèle des roches blanches, avec de grandes fissures ou bassins, qui affleurent du sol : les lapiés (un lapiaz, des lapiés). Ces roches calcaires, issues des sédiments formés au fond de l’océan Téthys, se sont élevées en surface lors de la formation des Alpes, il y a environ 25 millions d’années. Depuis, ces roches ne cessent d’être sculptées par l’eau. Le calcaire est dissout et l’eau creuse des galeries souterraines très profondes qui convergent vers le cirque de Charbonnière. Mais en surface, il n’y a pas d’eau. Le désert de Platé porte bien son nom.

gardiens du refuge de Platé

Ça n’a pas empêché Sylvain et Fufé de s’installer ici comme gardiens du refuge de Platé depuis 3 ans. Pour Sylvain, c’est un peu un retour aux sources : « Mes parents ont gardé ce refuge en 1975 et l’ont repris dans les années 90. C’est un ancien chalet d’alpage qui a été racheté par le CAF (Club Alpin Français) dans les années 20. J’aimais bien la vie ici, coupé du monde. Et je suis heureux de pouvoir revivre ça en tant que père avec mes 3 enfants maintenant ». Les trois garnements courent après des poules le sourire aux lèvres. L’école par correspondance va laisser place à celle de la « vallée » après les vacances de la Toussaint. Les premières neiges vont sonner l’heure de la redescente pour la petite famille.

On devine la présence d’un gigantesque glacier

bouquetin surveille combe de platé

Nous laissons les chalets de Platé pour rejoindre le pied des crêtes des Chateaux de Cran. En prenant un peu de hauteur, on devine la présence d’un gigantesque  glacier qui recouvrait la combe de Platé il y a 10 000 ans. Les anciennes moraines ont été colonisées par la végétation. Le glacier a poli les roches calcaires en surface et formé par endroit des gradins karstiques, les « karst à banquettes », mais aussi des roches moutonnées, et charrié quelques blocs provenant des sommets environnants. Au bout de la crête, à hauteur du col du Colonney, quelques bouquetins surveillent la combe en souverains indolents et dédaigneux. Encore un vestige des dernières glaciations…

Mont Blanc vu des Grandes Platières

Pour rejoindre le sommet des Grandes Platières, nous traversons différents types de lapiaz, contournons des gouffres, sautons par-dessus des crevasses et débouchons sur l’arrivée du télésiège de Flaine. La vue sur le Mont Blanc est grandiose. Mais toujours pas de fossiles en vue, le clou du spectacle.

Nous foulons un récif corallien vieux de 35 millions d’années

Nous dérivons maintenant en direction du col du Colonney, en suivant un marquage jaune au sol. Et là, j’aperçois deux nérinées, mollusques des récifs, sur un lapiaz. Margaux descend encore un peu et se retrouve sur une dalle incrustée de fossiles. Je laisse exploser ma joie ! « Bahamas » est inscrit sur une pancarte. Des coraux, des nautiles et des oursins… Nous foulons un récif corallien vieux de 35 millions d’années, vestiges des eaux chaudes de Téthys. 100 mètres plus bas, une roche est couverte de mollusques gastéropodes, les cérithes. Ces fossiles indiquent la présence d’une lagune en bordure d’une mer peu profonde, datant de 37 millions d’années. 200 mètres en aval, les roches dévoilent des conglomérats de galets ronds. Nous remontons maintenant à 40 millions d’années, non plus en mer, mais sur la terre ferme au bord d’un ancien fleuve qui charriait ces galets…  

Un peu de lecture pour aller plus loin

pays du mont blanc michel delamette

« Le pays du Mont-Blanc », de Michel Delamette