Il existe des risques associés à la cueillette et à la consommation de plantes sauvages. Les deux maladies transmissibles à l’homme les plus graves sont la fameuse "maladie du renard" ou Echinococcose et la Douve du foie.
Echinococcose alvéolaire (la mal nommée maladie du pipi de renard) :
Maladie parasitaire véhiculée par les renards, les loups, les chiens et les chats. Une fois infectés, en mangeant des rongeurs contaminés, ces carnivores éliminent les œufs du parasite via leurs déjections (crottes et non urine) et peuvent souiller ainsi les plantes sauvages ou cultivées. Invisibles à l’oeil nu, les oeufs restent accrochés aux végétaux même si les fèces ont été lavées par la pluie. La transmission à l’homme se fait par voie orale. La maladie, qui peut être mortelle, touche le foie et d’autres organes. Il y a en moyenne 30 cas déclarés par an en France. Dans plus de la moitié des cas, la contamination a eu lieu avec un animal domestique. Pour la cueillette comme pour le jardin, dans les zones à risques, il faut veiller à s’écarter des lieux de passages des animaux pour éviter que les végétaux ne soient en contact avec des fèces contaminées.
Il existe quelques zones à risque en France, vous pouvez consulter la fiche détaillée de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire à ce sujet (avril 2020).
Interview de Gérald Umhang, responsable du laboratoire national de référence (LNR) sur Echinococcus spp. basé à Nancy et rattaché à l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Avec son équipe, il réalise des études chez les animaux pour aider à prévenir les cas humains d’échinococcose alvéolaire.
Comment l’homme peut-il être touché par cette maladie ?
Dans le cycle de vie du parasite, l’homme est une impasse. Ce dernier se contamine donc par accident. Des rongeurs de type campagnol se contaminent en ingérant des œufs microscopiques du parasite, présent sur des végétaux par exemple, et développent la forme larvaire du parasite sur le foie. Ensuite, la prédation d’un rongeur parasité par un renard ou un chien aboutira à la contamination de ce canidé par la présence de vers de quelques millimètres dans l’intestin. Les œufs du parasite vont être répandus dans l’environnement via les fèces (crottes). L’homme se contamine en consommant un végétal souillé par les déjections d’un canidé ou par contact direct avec l’animal.
Comment expliquer que beaucoup de personnes pensent encore que c’est l’urine du renard qui véhicule la maladie ?
Oui, la confusion est extrêmement fréquente dans les Alpes. Je pense que c’est dû au fait qu’on se dit, à tort, que si on ne voit pas de crottes, c’est qu’il n’y a pas de présence d’œufs, alors comment expliquer qu’on peut se contaminer là où ne voit rien ? En fait, il faut bien garder à l’esprit que les œufs du parasite sont microscopiques, de l’ordre de trente microns de diamètre. C’est rarement un renard qui va déposer sa crotte sur une salade. C’est à côté, en bordure des potagers par exemple. Ensuite la pluie peut les lessiver et projeter de la terre avec les œufs sur des végétaux. Les œufs du parasite ont une structure très collante qui leur permet d’adhérer à différentes matières. C’est aussi pour ça qu’un simple lavage peut ne pas suffire pour se débarrasser de tous les œufs.
Est-ce qu’on sait quel type d’aliment et quel type d’environnement sont les plus favorables au développement de la maladie ?
Il faut bien se dire que nous en sommes seulement au début des études au niveau mondial. Nous voulons déjà confirmer l’hypothèse principale selon laquelle l’alimentation est la principale voie de contamination. Dans la nature, il est impossible de s’en prémunir totalement mais on peut penser que l’on dilue fortement le risque de cueillir des végétaux contaminés par des œufs en raison de l’immense surface de collecte. Par contre, les potagers ont été décrits comme des lieux de défécation privilégiés des renards pour des raisons d’attractivité alimentaire (rongeurs, fruits, …). De plus, on y concentre les végétaux cueillis sur une petite zone. Nous avons commencé des études au niveau européen sur des salades qui proviennent de potagers individuels ou de maraîchers. D’après les premiers résultats, en France comme en Suisse, 1 à 2% des salades analysées contiennent des œufs du parasite. Nous allons faire prochainement des tests sur des fruits, notamment des fraises des bois.
Est-ce que consommer des œufs déclenche forcément la maladie chez l’homme ?
Heureusement non, car l’Homme est un très mauvais hôte pour le parasite. Une étude en Suisse a montré que sur 100 patients qui ont a priori ingérés des œufs car développant une réponse immunitaire (production d’anticorps spécifiques contre le parasite), le système immunitaire va être très efficace et il y aura une seule personne qui développera la maladie. On peut supposer que tous les jours en France il y a des gens qui consomment des œufs sans développer la maladie.
Quelles sont les populations « à risque » ?
Désormais environ 25% des 30 à 40 cas observés chaque année touchent des personnes immunodéprimées. C’est clairement ces personnes-là qui doivent être les plus vigilantes avec cette maladie. Il faut de toute façon vivre avec la présence du parasite car en raison de son cycle maintenu par la faune sauvage il ne peut quasiment pas être contrôlé et donc le risque zéro n’existe pas.
Comment peut-on tuer les œufs d’échinocoque ?
Quand les œufs se retrouvent dans l’environnement via les fèces, ils peuvent rester infectieux plusieurs mois dans des conditions qui leurs sont favorables comme le froid et l’humidité. Des données expérimentales ont démontré qu’en milieu naturel, la durée maximale de survie des œufs était de 240 jours sur la période automne-hiver et de seulement 78 jours durant l’été. La dessiccation est le principal facteur limitant la survie des œufs. Dans les prochaines années, le but est de réaliser des études avec des œufs infectieux et tester leur survie dans des conditions réelles pour voir par exemple combien de temps de séchage ou de cuisson permettent leur inactivation. Pour l’instant, nous ne disposons que d’études préliminaires faites dans des conditions de laboratoire encore un peu trop éloignées du réel.
Existe-t-il un traitement ?
Oui, c’est un traitement quotidien, potentiellement lourd en effets secondaires, mais qui traite bien la maladie. Comme il ne fait que bloquer le développement du parasite et non le tuer, le traitement est très long, voire à vie. Sans traitement par contre, l’échinococcose alvéolaire peut être fatale. D’où l’intérêt d’améliorer les diagnostics en sensibilisant notamment vétérinaires et médecins sur le sujet mais aussi par la prévention auprès de la population.
Quelles sont les conseils pratiques que l’on peut donner ?
Pour éviter de se contaminer en milieu domestique, le mieux est de clôturer son potager, d’être vigilant quant à la présence de fèces, de vermifuger son chien très régulièrement s’il est amené à consommer des rongeurs et bien sûr une bonne hygiène des mains après avoir manipulé la terre ou des chiens. Si on veut vraiment minimiser les risques, cueillir le plus possible les végétaux à minimum 30 cm du sol, les laver systématiquement après la cueillette avec une eau vinaigrée et si possible les cuire. Les personnes immunodéprimées doivent faire preuve de plus de prudence. Mais encore une fois, il ne faut pas s’arrêter de manger des salades de laitue ou de pissenlit pour autant, le risque zéro n’existera jamais.
Interview tirée du livre « Cueillette gourmande autour du mont Blanc », Sébastien Perrier, Editions Glénat, 2022
La Douve du foie
La Douve du foie est une maladie très répandue chez les ovins et les bovins. Il s’agit d’un parasite qui se développe dans les tissus hépatiques et les canaux biliaires. La maladie peut également être transmise à l’homme et provoquer une cirrhose du foie. Pour éviter une potentielle contamination, il ne faut pas consommer des plantes crues cueillies dans les prairies humides proches des pâturages comme le cresson. Au moindre doute, cuire les plantes.
Les recommandations de la FAGITH (Fédération Autonome Générale de l'Industrie Hôtelière) concernant la consommation des plantes comestibles :
Surtout si elles sont consommées crues, il est conseillé de désinfecter les plantes par un trempage dans de l’eau vinaigré (avec 5 à 10% de vinaigre) pendant 15 minutes, suivi d’un rinçage. Cela permet d’éliminer la majorité des bactéries pathogènes possiblement présentes dans les plantes (Escherichia coli – Leptospirose…). Pour l’écchinococcose et la douve du foie, seule la cuisson permet de s’en prémunir à 100%.
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